La « plaque d’ordures » du Pacifique Nord grouille de vie

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Les méduses à boutons bleus, connues sous le nom scientifique de Porpita, flottent à la surface de l’océan à l’aide d’un disque rond et dérivent au gré des courants. Crédit : Denis Riek, The Global Ocean Surface Ecosystem Alliance (GO-SEA) Field Guide (CC-BY 4.0, https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/)

Une nouvelle étude menée par des citoyens scientifiques révèle la prolifération de la vie marine dans la « plaque d’ordures » du Pacifique Nord.

Selon une étude menée par Rebecca Helm et son équipe de l’université de Georgetown (États-Unis), la « plaque de déchets » du Pacifique Nord n’est pas seulement tristement célèbre pour son accumulation de débris plastiques, elle sert également d’habitat à une multitude d’espèces marines telles que des méduses, des escargots, des bernacles et des crustacés. Leurs conclusions ont été récemment publiées dans la revue PLOS Biology.

Il existe cinq grands gyres océaniques, c’est-à-dire des zones où convergent de nombreux courants océaniques, le gyre subtropical du Pacifique Nord (NPSG) étant le plus important. Cette région, communément appelée « plaque de déchets » du Pacifique Nord, se caractérise par une forte concentration de déchets plastiques due à la convergence des courants océaniques. Toutefois, diverses espèces marines flottantes, notamment des méduses (cnidaires), des escargots, des balanes et des crustacés, peuvent également profiter de ces courants pour naviguer en haute mer, bien que leurs habitats précis restent largement inconnus.

Velella

Velella. Ces méduses bleues, connues sous le nom de « navigateurs par le vent », dérivent avec le vent grâce à une voile vivante spéciale. Crédit : Denis Riek, Guide de terrain de l’Alliance mondiale pour les écosystèmes de surface des océans (GO-SEA) (CC-BY 4.0)

Les chercheurs ont profité d’une traversée à la nage de 80 jours du NPSG en 2019 pour étudier ces formes de vie flottantes, en demandant à l’équipage de voile accompagnant l’expédition de collecter des échantillons de créatures marines de surface et de déchets plastiques. L’itinéraire de l’expédition a été planifié à l’aide de simulations informatiques des courants de surface de l’océan afin de prévoir les zones à forte concentration de débris marins.

L’équipe a collecté quotidiennement des échantillons de vie flottante et de déchets dans la partie orientale du NPSG et a constaté que les créatures marines étaient plus abondantes à l’intérieur du NPSG qu’à sa périphérie. La présence de déchets plastiques était positivement corrélée à l’abondance de trois groupes de créatures marines flottantes : les radeaux de mer (Velella sp), les boutons de mer bleus (Porpita sp) et les escargots de mer violets (Janthina sp).

Escargots violets Janthina

Les escargots violets Janthina construisent des radeaux de bulles flottantes en plongeant leur corps dans l’air et en emprisonnant une bulle à la fois, qu’ils enveloppent ensuite de mucus et collent à leur flotteur. Crédit : Denis Riek, Guide de terrain de l’Alliance mondiale pour les écosystèmes de surface des océans (GO-SEA) (CC-BY 4.0)

Les mêmes courants océaniques qui concentrent les déchets plastiques dans les gyres océaniques peuvent être vitaux pour les cycles de vie des organismes marins flottants, en les rassemblant pour se nourrir et s’accoupler, affirment les auteurs. Cependant, les activités humaines pourraient avoir un impact négatif sur ces zones de rencontre en haute mer et sur la faune qui en dépend.

Helm ajoute : « La « plaque de déchets » est plus qu’une simple plaque de déchets. Il s’agit d’un écosystème, non pas à cause du plastique, mais malgré lui ».

Référence : « High concentrations of floating neustonic life in the plastic-rich North Pacific Garbage Patch » par Fiona Chong, Matthew Spencer, Nikolai Maximenko, Jan Hafner, Andrew C. McWhirter et Rebecca R. Helm, 4 mai 2023, PLOS Biology.
DOI: 10.1371/journal.pbio.3001646