Par le ministère américain de l’énergie
29 juin 2023
Dans la matière nucléaire dense, les quarks « s’alignent », devenant essentiellement unidimensionnels. Les calculs prenant en compte cette dimension unique et le temps permettent de suivre la façon dont les excitations de faible énergie se propagent dans la matière nucléaire. Crédit : Laboratoire national de Brookhaven
Des scientifiques du Brookhaven National Laboratory ont utilisé la physique de la matière condensée bidimensionnelle pour comprendre les interactions entre les quarks dans les étoiles à neutrons, simplifiant ainsi l’étude de ces entités cosmiques les plus denses. Ces travaux permettent de décrire les excitations à basse énergie dans la matière nucléaire dense et pourraient dévoiler de nouveaux phénomènes dans les densités extrêmes, ce qui permettrait de faire progresser l’étude des étoiles à neutrons et d’établir des comparaisons avec les collisions d’ions lourds.
Sommaire
The Science
Comprendre le comportement de la matière nucléaire – y compris les quarks et les gluons qui composent les protons et les neutrons des noyaux atomiques – est extrêmement compliqué. Cela est particulièrement vrai dans notre monde, qui est tridimensionnel. Les techniques mathématiques issues de la physique de la matière condensée, qui considèrent les interactions dans une seule dimension spatiale (plus le temps), simplifient grandement le défi. En utilisant cette approche bidimensionnelle, les scientifiques ont résolu les équations complexes qui décrivent comment les excitations de faible énergie se propagent dans un système de matière nucléaire dense. Ces travaux indiquent que le centre des étoiles à neutrons, où une telle matière nucléaire dense existe dans la nature, peut être décrit par une forme inattendue.
L’impact
La possibilité de comprendre les interactions entre les quarks en deux dimensions ouvre une nouvelle fenêtre sur la compréhension des étoiles à neutrons, la forme de matière la plus dense de l’univers. Cette approche pourrait contribuer à faire progresser l’actuel « âge d’or » de l’étude de ces étoiles exotiques. Cet essor de la recherche a été déclenché par les récentes découvertes d’ondes gravitationnelles et d’émissions électromagnétiques dans le cosmos. Ces travaux montrent que pour les excitations de faible énergie, toutes les complications des interactions tridimensionnelles entre les quarks disparaissent. Ces excitations de basse énergie sont de légères perturbations déclenchées par l’émission de rayonnement d’une étoile à neutrons ou par ses propres champs magnétiques en rotation. Cette approche pourrait également permettre de nouvelles comparaisons avec les interactions de quarks dans la matière nucléaire moins dense mais beaucoup plus chaude générée dans les collisions d’ions lourds.
Résumé
La théorie moderne des noyaux, connue sous le nom de chromodynamique quantique, implique des quarks liés par la force nucléaire forte. Cette force, véhiculée par les gluons, confine les quarks dans des nucléons (protons et neutrons). Lorsque la densité de la matière nucléaire augmente, comme c’est le cas à l’intérieur des étoiles à neutrons, le système dense se comporte davantage comme une masse de quarks, sans frontières nettes entre les nucléons individuels. Dans cet état, les quarks situés à la périphérie du système sont toujours confinés par la force forte, car les quarks situés d’un côté du système sphérique interagissent fortement avec les quarks situés de l’autre côté.
Ce travail réalisé par des chercheurs du Brookhaven National Laboratory utilise la nature unidimensionnelle de cette interaction forte, plus la dimension du temps, pour résoudre le comportement des excitations à faible énergie près du bord du système. Ces modes de faible énergie sont semblables à ceux d’un boson libre et sans masse, connu dans la matière condensée sous le nom de « liquide de Luttinger ». Cette méthode permet aux scientifiques de calculer les paramètres d’un liquide de Luttinger à une densité donnée. Elle leur permettra d’explorer des phénomènes qualitativement nouveaux qui devraient se produire aux densités extrêmes des étoiles à neutrons, où la matière nucléaire se comporte très différemment des noyaux ordinaires, et de les comparer à la matière nucléaire dense beaucoup plus chaude (des billions de degrés) générée dans les collisions d’ions lourds.
Référence : « When cold, dense quarks in 1+1 and 3+1 dimensions are not a Fermi liquid » par Marton Lajer, Robert M. Konik, Robert D. Pisarski et Alexei M. Tsvelik, 30 mars 2022, Physical Review D.
DOI: 10.1103/PhysRevD.105.054035
Cette recherche a été financée par l’Office of Science du ministère de l’énergie.