« Les vents spatiaux ultrarapides qui façonnent l’évolution des galaxies

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Vue artistique des vents multiphasés induits par les AGN, mettant en évidence les différentes phases et échelles impliquées dans l’écoulement. Le vent se propage depuis le moteur central (&lt ; 1 pc ; a), à travers l’ISM environnant (1 pc-1 kpc ; b), jusqu’aux limites de la galaxie hôte (&gt ; 10 kpc ; c). SUBWAYS étudiera l’écoulement dans sa phase de lancement, lorsque le gaz est fortement ionisé et que la présence de matière en mouvement rapide peut être révélée dans les rayons X. (figure adaptée de Cicone et al. 2018, Nat. As. 2, 176). Crédit : Université de Bologne

On les appelle des ovnis, mais les extraterrestres n’ont rien à voir avec eux. Il s’agit d’écoulements ultra-rapides : des vents spatiaux qui émergent de l’environnement des trous noirs supermassifs et soufflent à des vitesses proches de celle de la lumière. Une équipe de recherche internationale a exploré ce phénomène encore peu connu, à la recherche de ces émissions de gaz, qui sont cruciales pour comprendre les mécanismes régissant le comportement des trous noirs supermassifs dans leur phase active.

Le projet de recherche s’appelle SUBWAYS (SUper massive Black hole Winds in the x-rAYS) et les premiers résultats ont été publiés, dans deux articles, dans Astronomy & ; Astrophysics. Le premier, dirigé par des chercheurs de l’Université de Bologne et de l’INAF, est principalement basé sur les données obtenues par le télescope spatial XMM-Newton de l’ESA.

Les chercheurs ont analysé 22 noyaux galactiques actifs (AGN), c’est-à-dire les régions entourant les trous noirs supermassifs au centre des galaxies et émettant d’énormes quantités de radiations sur l’ensemble du spectre électromagnétique lorsque les trous noirs sont en phase active. L’étude a montré que dans environ 30 % des noyaux galactiques actifs analysés, il existe des vents spatiaux se déplaçant à des vitesses comprises entre 10 et 30 % de la vitesse de la lumière.

« Ces résultats nous permettent d’établir avec une plus grande certitude qu’une proportion significative de noyaux galactiques actifs héberge des vents ultra-rapides appelés OVNI, des flux sortants ultra-rapides », explique Marcella Brusa, professeur à l’université de Bologne et associée de l’INAF, ainsi que coordinatrice de l’ensemble du projet SUBWAYS. « Et nous avons pu confirmer que l’intensité de ces flux de gaz est suffisante pour modifier de manière significative l’écosystème de leurs galaxies ».

Entre un trou noir supermassif et la galaxie qui l’entoure, il existe en fait une relation étroite qui influence réciproquement leur formation et leur évolution. Les mécanismes à l’origine de cette relation réciproque sont encore mal compris, mais les vents ultrarapides émis par les noyaux actifs de galaxie pourraient en être l’un des ingrédients clés. Ces puissantes émissions se produisent lorsqu’une partie du gaz du disque d’accrétion est éjectée vers l’extérieur, transférant ainsi une partie de la matière et de l’énergie produites vers l’espace interstellaire, un mécanisme qui a d’importantes implications pour la régulation du processus de formation des étoiles.

Pour détecter les OVNI, on analyse les spectres émis dans la bande des rayons X, à la recherche d’absorptions produites par la présence de matériaux fortement ionisés comme le fer. Ce phénomène est dû aux températures extrêmes – jusqu’à des dizaines de millions de degrés – générées à proximité des trous noirs supermassifs. Dans cette optique, les scientifiques de SUBWAYS ont réussi à obtenir 1,6 million de secondes d’observation (plus de dix-huit jours) avec le télescope spatial à rayons X XMM-Newton de l’ESA. Ils ont ainsi exploré 17 noyaux actifs de galaxie dans l’univers relativement proche (entre 1,5 et 5 milliards d’années-lumière), auxquels ils ont ajouté les données de 5 autres AGN déjà collectées lors d’observations précédentes.

« Ces observations nous ont permis d’obtenir de nouvelles preuves indépendantes de l’existence de matière hautement ionisée éjectée des régions les plus internes des noyaux actifs de galaxie à des vitesses proches de celle de la lumière », explique Gabriele Matzeu, chercheur à l’université de Bologne, associé de l’INAF et premier auteur de l’article présentant les résultats sur les statistiques relatives aux OVNI. « Ces résultats nous ont permis d’en savoir plus sur ces vents ultrarapides et de mieux comprendre leur rôle dans le processus d’évolution des galaxies. »

Un article complémentaire a également été publié dans la revue Astronomy &amp ; Astrophysics. Il présente une étude des flux de gaz à faible vitesse et à faible ionisation visibles dans la bande ultraviolette grâce au satellite HST.

Références : « Les vents des trous noirs supermassifs dans les rayons X : SUBWAYS – I. Ultra-fast outflows in quasars beyond the local Universe » par G. A. Matzeu, M. Brusa, G. Lanzuisi, M. Dadina, S. Bianchi, G. Kriss, M. Mehdipour, E. Nardini, G. Chartas, R. Middei, E. Piconcelli, V. Gianolli, A. Comastri, A. L. Longinotti, Y. Krongold, F. Ricci, P. O. Petrucci, F. Tombesi, A. Luminari, L. Zappacosta, G. Miniutti, M. Gaspari, E. Behar, M. Bischetti, S. Mathur, M. Perna, M. Giustini, P. Grandi, E. Torresi, C. Vignali, G. Bruni, M. Cappi, E. Costantini, G. Cresci, B. De Marco, A. De Rosa, R. Gilli, M. Guainazzi, J. Kaastra, S. Kraemer, F. La Franca, A. Marconi, F. Panessa, G. Ponti, D. Proga, F. Ursini, P. Baldini, F. Fiore, A. R. King, R. Maiolino, G. Matt et A. Merloni, 28 février 2023, Astronomy &amp ; Astrophysics.
DOI: 10.1051/0004-6361/202245036

« Les vents des trous noirs supermassifs dans les rayons X : SUBWAYS – II. HST UV spectroscopy of winds at intermediate redshifts » par M. Mehdipour, G. A. Kriss, M. Brusa, G. A. Matzeu, M. Gaspari, S. B. Kraemer, S. Mathur, E. Behar, S. Bianchi, M. Cappi, G. Chartas, E. Costantini, G. Cresci, M. Dadina, B. De Marco, A. De Rosa, J. P. Dunn, V. E. Gianolli, M. Giustini, J. S. Kaastra, A. R. King, Y. Krongold, F. La Franca, G. Lanzuisi, A. L. Longinotti, A. Luminari, R. Middei, G. Miniutti, E. Nardini, M. Perna, P. -O. Petrucci, E. Piconcelli, G. Ponti, F. Ricci, F. Tombesi, F. Ursini, C. Vignali et L. Zappacosta, 28 février 2023, Astronomy &amp ; Astrophysics.
DOI: 10.1051/0004-6361/202245047