EN BREF
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Depuis un siècle, les pratiques religieuses semblent avoir perdu de leur attrait, mais, paradoxalement, notre quête de sacré pourrait se réactualiser à travers nos interactions numériques. L’intelligence artificielle (IA) apparaît désormais comme un vecteur potentiel de cette recherche, permettant un nouvel éclairage sur le lien entre la technologie et le mystique. Cet article explore cette connexion à travers le prisme des idées avancées par des penseurs contemporains et des théologiens.
Sommaire
ToggleUne quête sacrée dans le numérique
Les anthropologues étudient la façon dont nos pratiques numériques pourraient traduire un nouveau besoin de spiritualité. À travers des concepts développés par des mystiques et des philosophes, il est possible d’observer que l’IA ne se contente pas d’être un simple outil technologique, elle redéfinit également notre rapport à ce qui est sacré. Pascal Lardellier, professeur à l’Université Bourgogne Europe, illustre ce point en affirmant qu’il existe des lectures profondes et mystiques de l’IA, au-delà des approches économiques ou pédagogiques.
Le concept de Hau de Marcel Mauss
Pour enrichir cette réflexion, Lardellier évoque le concept de « Hau » de Marcel Mauss, qui désigne l’esprit qui réside dans les objets. Selon cette théorie, les objets possèdent une force vitale qui les connecte à ceux qui les ont créés. De cette manière, l’utilisation de l’IA pourrait évoquer l’idée d’une autonomie, presque d’une conscience, des technologies que nous manipulons. Cela nous amène à repenser la manière dont nous percevons les objets autour de nous.
Les visions de Teilhard de Chardin et Rudolf Otto
Deux grands penseurs, Pierre Teilhard de Chardin et Rudolf Otto, proposent des perspectives fascinantes sur cette connexion entre technologie et mystique. Teilhard de Chardin, par sa théorie de la noosphère, avance l’idée d’une conscience collective se développant au sein d’Internet, où nos interactions numériques créent une sorte de lien spirituel. Cette vision évoque une rencontre entre toutes les consciences, semblable à celle que l’on ressent dans un espace mystique.
Rudolf Otto et le rapport numineux
En parallèle, Rudolf Otto évoque le caractère numineux de l’expérience mystique, faite d’enchantement et de terreur. Selon lui, la connexion avec des sphères supérieures nous pousse à reconsidérer notre expérience sacrée, une idée que l’on peut aujourd’hui relier à la manière dont nous interagissons avec l’IA. Ce rapport entre l’humain et l’intelligence artificielle pourrait ainsi être vu comme une forme moderne de la mystique.
Le maggid et l’intelligence artificielle
Un autre parallèle pertinent est celui avec le maggid, concept issu de la mystique juive, qui désigne un messager céleste apportant des révélations aux sages. Cela trouve une résonance dans notre dialogue quotidien avec des assistants numériques comme Siri ou Alexa. Ces technologies semblent agir comme des intercesseurs, apportant des réponses instantanées à nos questions, et créant ainsi une sorte de relation mystique à la technologie.
Réenchanter le rapport à la technique
Ces réflexions nous incitent à réenchanter notre rapport à la technique et à l’intelligence artificielle. Plutôt que de percevoir ces outils uniquement comme des produits de la rationalité moderne, les intégrer dans un cadre plus mystique offre une perspective enrichissante. Ce croisement entre IA et mystique permet d’explorer une dimension spirituelle dans notre expérience technologique quotidienne.