La matière noire se cache-t-elle à la vue de tous ?

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La collaboration ATLAS a été la première à rechercher des jets semi-visibles, une signature potentielle de la matière noire provenant de quarks et de gluons sombres dans un secteur sombre en interaction forte. Malgré les difficultés rencontrées et l’absence de résultats directs, cette recherche novatrice fixe les premières limites de la production de jets semi-visibles, ouvrant ainsi la voie à des recherches plus nuancées de la matière noire à l’avenir.

Que se passe-t-il si des particules de matière noire sont produites à l’intérieur d’un jet de particules du modèle standard ? Cela conduit à une nouvelle signature des détecteurs, connue sous le nom de jets semi-visibles ! La collaboration ATLAS a lancé la première recherche de jets semi-visibles, dans un mode de production général où deux protons interagissent en échangeant une particule intermédiaire, qui est ensuite convertie en deux jets.

La nature insaisissable de la matière noire reste l’un des plus grands mystères de la physique des particules. La plupart des recherches ont jusqu’à présent porté sur des événements où une particule de matière noire « interagissant faiblement » est produite en même temps qu’une particule connue du modèle standard. Comme la particule de matière noire ne peut pas être vue par le détecteur ATLAS, les chercheurs recherchent un déséquilibre de la quantité de mouvement transversal (ou « énergie manquante »).

Affichage d'un événement de jet semi-visible

La collaboration ATLAS a mené la première recherche de jets semi-visibles, une signature potentielle de la présence de particules de matière noire. On suppose que ces jets se produisent lorsque deux protons interagissent, générant une particule intermédiaire qui se transforme ensuite en deux jets. Crédit : ATLAS Collaboration/CERN

Cependant, certains modèles théoriques prédisent un secteur sombre « à interaction forte », avec des quarks et des gluons sombres comme répliques des quarks et des gluons du modèle standard. Des jets semi-visibles apparaîtraient lorsque les quarks sombres se désintègrent partiellement en quarks du modèle standard et partiellement en hadrons sombres stables (la « fraction invisible »). Comme ils sont produits par paires, généralement avec des jets supplémentaires de modèle standard, l’énergie manquante apparaît lorsque tous les jets ne sont pas complètement équilibrés. La direction de l’énergie manquante est souvent alignée avec l’un des jets semi-visibles, comme le montre l’événement ci-dessus.

ATLAS Physics La matière noire se cache à la vue de tous

Figure 1 : Les données, le bruit de fond et six distributions de signaux prédites couvrant une masse de médiateur et une fraction invisible représentatives sont superposés pour la différence angulaire azimutale entre les deux candidats jets semi-visibles. On observe un excellent accord entre les données et le bruit de fond. Crédit : ATLAS Collaboration/CERN

Cela rend la recherche de jets semi-visibles très difficile, car cette signature d’événement peut également être due à des jets mal mesurés dans le détecteur. Pour leur nouvelle recherche, les physiciens ont dû s’assurer que tous ces effets avaient été pris en compte. Pour ce faire, ils se sont concentrés sur quelques observables : l’unicité de l’alignement et de l’ampleur de la quantité de mouvement transversal, ainsi que l’angle entre les jets semi-visibles. Ils ont également étudié des scénarios avec différentes fractions invisibles et masses de particules médiatrices.

Après avoir pris en compte tous les processus du modèle standard contribuant à cette topologie d’événement, les chercheurs n’ont trouvé aucune trace de jets semi-visibles. Comme on peut le voir sur la figure 1, qui montre la différence angulaire entre les deux jets semi-visibles candidats, les données suivent la forme de fond du modèle standard. On s’attendait à ce que les signaux de matière noire aient une forme légèrement différente.

La recherche de jets semi-visibles est un véritable défi, car la signature de ces événements peut également être due à des jets mal mesurés dans le détecteur. Comment les chercheurs d’ATLAS ont-ils relevé ce défi ?

Ce nouveau résultat fixe les premières limites de ce scénario spécifique de production de jets semi-visibles, illustré à la figure 2 en fonction de la masse du médiateur et de la fraction invisible. La recherche est plus sensible pour les valeurs intermédiaires de la fraction invisible et exclut les masses de médiateur jusqu’à 2,7 TeV. Les chercheurs ont également été en mesure d’indiquer le nombre d’événements observés correspondant aux critères de sélection des événements. Ces résultats jettent des bases importantes pour les futures recherches de matière noire, en permettant aux physiciens de construire des modèles de jets semi-visibles qui prennent en compte les contraintes existantes sur cette signature.

Contours d'exclusion attendus et observés pour le signal des jets semi-visibles

Figure 2 : Les contours d’exclusion attendus et observés pour le signal des jets semi-visibles en fonction de la masse du médiateur sur l’axe des x, et de la fraction invisible sur l’axe des y. Les masses de médiateurs sur le côté gauche de la ligne continue rouge sont exclues pour la fraction invisible donnée. Crédit : ATLAS Collaboration/CERN

Il reste encore beaucoup à explorer ! Les chercheurs d’ATLAS prévoient d’étudier systématiquement toutes les signatures possibles du paysage du secteur sombre fort, ce qui pourrait inclure des signatures non découvertes comme celle prise en compte dans cette recherche. Au fur et à mesure que l’expérience ATLAS continue de s’enrichir de données gigantesques, elle offrira de nouvelles possibilités d’exploration et de nouvelles options pour étendre la recherche de jets semi-visibles.