Des scientifiques réussissent à produire des électrons lents dans une solution

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Deux électrons sont brièvement réunis sous la forme d'un diélectron

Ici, deux électrons sont brièvement réunis sous la forme d’un diélectron (rouge) entouré de molécules de solvant. Le diélectron ne peut pas être localisé plus précisément. L’un des électrons quittera ensuite cette zone. Crédit : Hartweg S et al. Science 2023

Un groupe international de scientifiques a réussi à produire des électrons lents dans une solution. Ces électrons pourraient potentiellement améliorer l’efficacité de certaines réactions chimiques à l’avenir.

L’objectif initial de cette équipe de recherche multinationale était de détecter un objet chimique mystérieux : un diélectron en solution. Un diélectron est composé de deux électrons, mais contrairement à un atome, il n’a pas de noyau. Jusqu’à présent, les scientifiques n’ont pas réussi à détecter directement un tel objet.

Alors que les chercheurs dirigés par Ruth Signorell, professeur à l’ETH Zurich, expérimentaient avec des diélectrons, ils ont accidentellement découvert un nouveau processus de production d’électrons lents. Ceux-ci peuvent être utilisés pour initier certaines réactions chimiques.

Les diélectrons sont instables. Ils se séparent à nouveau en deux électrons en moins d’un trillionième de seconde. Comme les chercheurs ont pu le montrer, l’un de ces électrons reste sur place, tandis que l’autre – qui a une faible énergie et est donc relativement lent – s’éloigne. La particularité de la nouvelle méthode est qu’elle permet aux chercheurs de contrôler l’énergie cinétique de cet électron et donc sa vitesse.

Les diélectrons occupent les cavités

Mais commençons par le commencement : pour produire les diélectrons, les chercheurs ont dissous du sodium dans de l’ammoniac (liquide) et ont exposé cette solution à la lumière UV. Cette exposition permet à un électron d’une molécule d’ammoniac de rejoindre un électron d’un atome de sodium et de former ainsi un diélectron. Le diélectron occupe brièvement une minuscule cavité dans la solution. Les chercheurs ont réussi à montrer que lorsque le diélectron se sépare, l’un des électrons s’éloigne à une vitesse déterminée par la longueur d’onde de la lumière UV utilisée. « Une partie de l’énergie de la lumière UV a été transférée à l’électron », explique M. Signorell.

Les chercheurs de l’ETH Zurich ont réalisé ce travail en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Fribourg en Allemagne, du synchrotron SOLEIL en France et de l’Université d’Auburn aux États-Unis.

Examen des réactions et des dommages causés par les radiations

Ces électrons à faible énergie cinétique sont intéressants pour diverses raisons. L’une d’entre elles est que les électrons lents causent des dommages aux tissus humains sous l’effet des radiations. Des électrons mobiles peuvent se former dans ces tissus, par exemple sous l’effet des rayons X ou de la radioactivité. Ils peuvent alors se fixer sur les molécules d’ADN et déclencher des réactions chimiques. Produire plus facilement ces électrons lents en laboratoire permettra aux chercheurs de mieux étudier les mécanismes qui conduisent aux dommages causés par les radiations.

Mais le corps humain n’est pas le seul endroit où des réactions chimiques sont induites par un composé acceptant un électron libre. La production de cortisone synthétique et d’autres stéroïdes n’en est qu’un exemple.

La possibilité d’utiliser la lumière UV comme moyen relativement simple de produire des électrons lents directement dans une solution, et de contrôler l’énergie de l’électron, permettra de mieux étudier ces réactions à l’avenir. Les chimistes pourront même optimiser les réactions, par exemple en utilisant la lumière UV pour augmenter l’énergie cinétique des électrons.

Référence : « Diélectrons solvatés issus de l’excitation optique : An effective source of low-energy electrons » par Sebastian Hartweg, Jonathan Barnes, Bruce L. Yoder, Gustavo A. Garcia, Laurent Nahon, Evangelos Miliordos et Ruth Signorell, 25 mai 2023, Science.
DOI : 10.1126/science.adh0184