Le paysage de l’Arabie Saoudite où les gravures ont été trouvées. Crédit : Olivier Barge, CNRS. CC-BY 4.0
Une nouvelle étude publiée récemment dans la revue PLOS ONE présente les plus anciens plans à l’échelle connus de mégastructures construites par l’homme. Ces gravures, dont l’âge est estimé entre 7 000 et 8 000 ans, illustrent des cerfs-volants du désert, d’énormes structures utilisées pour piéger les animaux. La capacité de représenter de vastes espaces sur une petite surface bidimensionnelle constitue un saut intellectuel important qui enrichit notre compréhension de la conceptualisation et de la construction de ces cerfs-volants.
Les cerfs-volants du désert ont été repérés pour la première fois par des avions dans les années 1920. Il s’agit de structures archéologiques sophistiquées composées de murs pouvant atteindre 5 km de long qui convergent dans un enclos pour piéger les animaux, bordé de fosses. De telles structures ne sont visibles dans leur ensemble que depuis les airs, ce qui implique une représentation de l’espace inédite à cette époque.
Rémy Crassard du CNRS, Université de Lyon, et ses collègues, rapportent deux gravures représentant des cerfs-volants en Jordanie et en Arabie Saoudite. En Jordanie, la région de Jibal al-Khasabiyeh compte huit cerfs-volants. Une pierre avec une représentation sculptée avec des outils de pierre mesurant 80 cm de long et 32 cm de large a été trouvée à proximité et datée d’il y a environ 7 000 ans. Le Zebel az-Zilliyat, en Arabie saoudite, possède deux paires de cerfs-volants visibles à 3,5 km l’une de l’autre. Ici, une gravure massive à l’échelle mesurant 382 cm de long et 235 cm de large a été déterrée et la représentation aurait été picotée plutôt que sculptée, peut-être à l’aide de pics manuels. Elle a été datée d’environ 8 000 ans.
Les constructeurs auraient eu besoin de plans de ce type, car il est impossible d’appréhender l’ensemble du tracé sans le voir du ciel. Jusqu’à présent, les plans de grandes structures n’étaient représentés que de manière approximative, mais ces plans sont extrêmement précis.
Bien que les constructions humaines aient modifié les espaces naturels depuis des millénaires, peu de plans ou de cartes sont antérieurs à la période des civilisations lettrées de la Mésopotamie et de l’Égypte ancienne. Ces exemples sont les plus anciens plans à l’échelle connus dans l’histoire de l’humanité.
Les auteurs ajoutent : « Les plus anciens plans à l’échelle connus dans l’histoire de l’humanité sont rapportés dans notre étude. Les gravures, datées de 8 000 à 9 000 ans, ont été découvertes en Jordanie et en Arabie Saoudite. Elles représentent des cerfs-volants du désert situés à proximité, des mégastructures créées par l’homme pour piéger les animaux sauvages. Bien que les constructions humaines modifient les espaces naturels depuis des millénaires, peu de plans ou de cartes sont antérieurs à la période des civilisations lettrées de Mésopotamie et de l’Égypte ancienne. La capacité à transposer un grand espace sur une petite surface bidimensionnelle représente une étape importante dans le comportement intelligent. De telles structures ne sont visibles dans leur ensemble que depuis les airs, ce qui nécessite une représentation de l’espace inédite à ce jour. »
Référence : « The oldest plans to scale of humanmade mega-structures » par Rémy Crassard, Wael Abu-Azizeh, Olivier Barge, Jacques Élie Brochier, Frank Preusser, Hamida Seba, Abd Errahmane Kiouche, Emmanuelle Régagnon, Juan Antonio Sánchez Priego, Thamer Almalki et Mohammad Tarawneh, 17 mai 2023, PLOS ONE.
DOI: 10.1371/journal.pone.0277927
Le projet archéologique du sud-est de la Badia (SEBAP ; recherches à Jibal al-Khashabiyeh) est financé par des subventions du ministère français des Affaires étrangères, de l’Université Al-Hussein Bin Talal (projet n° 164/2016) et de l’Institut national des sciences humaines et sociales du CNRS (WAA, MT). Le projet GLOBALKITES (recherche au Jebel az-Zilliyat) a été financé par une subvention de l’Agence nationale de la recherche française ANR-12-JSH3-0004-01 (RC). Le projet archéologique Dumat al-Jandal (recherches à Jebel az-Zilliyat) a été financé par des subventions de la Saudi Heritage Commission, des ministères français et italien des Affaires étrangères, du CNRS UMR-8167 Orient & ; Méditerranée, de l’Université L’Orientale de Naples (Guillaume Charloux et Romolo Loreto). Les études de modélisation graphique ont été financées par l’IXXI, Institut rhônalpin des systèmes complexes, Lyon, France (HS). Les frais de publication ont été financés par l’UMR 5133, Archéorient (RC). Les financeurs n’ont joué aucun rôle dans la conception de l’étude, la collecte et l’analyse des données, la décision de publier ou la préparation du manuscrit.