Grâce à l’ALMA, des astronomes ont découvert un nuage de débris dans le système PDS 70, indiquant potentiellement deux planètes partageant la même orbite. Il s’agit de la preuve la plus substantielle de ce phénomène à ce jour, ce qui conduit à de nouvelles interrogations sur l’existence et la nature des troyens dans divers systèmes planétaires. Crédit : ESO/L. Calçada
Des astronomes ont détecté un nuage de débris qui pourrait indiquer qu’une planète « sœur » partage l’orbite d’une planète existante autour d’une étoile lointaine, en utilisant le grand réseau millimétrique/submillimétrique d’Atacama (ALMA).
Sommaire
Découverte de planètes co-orbitales potentielles
Grâce au grand réseau millimétrique/submillimétrique d’Atacama (ALMA), des astronomes ont découvert un « frère » potentiel d’une planète dans l’espace lointain. Ils ont détecté un nuage de débris qui pourrait partager l’orbite de cette planète, ce qui suggère qu’il pourrait s’agir d’une nouvelle planète en cours de formation ou des restes d’une planète déjà formée. Si cette découverte est confirmée, il s’agirait de la preuve la plus solide à ce jour de l’existence de deux exoplanètes partageant la même orbite.
Cette image, prise avec le Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), montre le jeune système planétaire PDS 70, situé à près de 400 années-lumière de la Terre. Le système se caractérise par une étoile en son centre, autour de laquelle gravite la planète PDS 70b. Sur la même orbite que PDS 70b, les astronomes ont détecté un nuage de débris qui pourrait être les éléments constitutifs d’une nouvelle planète ou les restes d’une planète déjà formée. La structure en forme d’anneau qui domine l’image est un disque circumstellaire de matière, à partir duquel des planètes se forment. Il y a en fait une autre planète dans ce système : PDS 70c, visible à 3 heures, juste à côté du bord intérieur du disque. Crédit : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO) /Balsalobre-Ruza et al.
« Il y a deux décennies, la théorie prévoyait que des paires de planètes de masse similaire pourraient partager la même orbite autour de leur étoile, ce que l’on appelle les planètes troyennes ou coorbitales. Pour la première fois, nous avons trouvé des preuves en faveur de cette idée », explique Olga Balsalobre-Ruza, étudiante au Centre d’astrobiologie de Madrid, en Espagne, qui a dirigé l’article publié aujourd’hui (19 juillet) dans la revue Astronomy & ; Astrophysics.
Grâce à l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), des astronomes ont découvert la possible « sœur » d’une planète en orbite autour d’une étoile lointaine. Cette vidéo résume la découverte. Crédit : ESO
Planètes co-orbitales et chevaux de Troie
Les troyens sont des corps rocheux qui partagent une orbite avec une planète, un phénomène courant dans notre système solaire.[1] L’exemple le plus notable est celui des astéroïdes troyens de Jupiter, plus de 12 000 corps rocheux qui partagent l’orbite de Jupiter autour du Soleil. Les astronomes ont suggéré que des planètes troyennes pourraient exister autour d’autres étoiles que notre Soleil, bien que les preuves manquent.
« Exotrojans [Trojan planets outside the Solar System] ont jusqu’à présent été comme des licornes : leur existence est autorisée par la théorie, mais personne ne les a jamais détectés », déclare Jorge Lillo-Box, coauteur et chercheur principal au Centre d’astrobiologie.
Version annotée de l’image ci-dessus du jeune système planétaire PDS 70. Le système se caractérise par une étoile en son centre, autour de laquelle gravite la planète PDS 70b (mise en évidence par un cercle jaune plein). Sur la même orbite que PDS 70b, indiquée par une ellipse jaune pleine, les astronomes ont détecté un nuage de débris (entouré d’une ligne jaune en pointillés) qui pourrait être les éléments constitutifs d’une nouvelle planète ou les restes d’une planète déjà formée. La structure en forme d’anneau qui domine l’image est un disque circumstellaire de matière, à partir duquel des planètes se forment. Il y a en fait une autre planète dans ce système : PDS 70c, visible à 3 heures, juste à côté du bord intérieur du disque. Crédit : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO) /Balsalobre-Ruza et al.
Le système PDS 70 et le rôle d’ALMA
Une équipe internationale de scientifiques a utilisé ALMA, un projet dont l’Observatoire européen austral (ESO) est partenaire, pour trouver les preuves les plus convaincantes de l’existence des planètes troyennes. Cette découverte a eu lieu dans le système PDS 70, une jeune étoile abritant deux planètes semblables à Jupiter, PDS 70b et PDS 70c. L’équipe a analysé les observations ALMA archivées de ce système et a identifié un nuage de débris dans l’orbite de PDS 70b, où l’on s’attend à trouver des planètes troyennes.
Cette séquence emmène l’observateur vers la constellation méridionale du Centaure. Nous faisons un zoom sur l’étoile naine orange PDS 70, située à environ 400 années-lumière et autour de laquelle gravitent au moins deux planètes. Le dernier cliché montre la nouvelle image spectaculaire, prise avec le grand réseau millimétrique/submillimétrique d’Atacama (ALMA), du système PDS 70, où la planète PDS 70b et son nuage de débris troyen sont sur la même orbite autour de l’étoile centrale. Crédit : ESO/L. Calçada/ALMA (ESO/NAOJ/NRAO) /Balsalobre-Ruza et al. Musique : Astral electronic
Analyse des zones lagrangiennes
Les chevaux de Troie occupent ce que l’on appelle les zones lagrangiennes, deux vastes zones de l’orbite d’une planète où l’attraction gravitationnelle combinée de l’étoile et de la planète peut piéger de la matière. En étudiant ces zones dans l’orbite de PDS 70b, les astronomes ont détecté un faible signal provenant de l’une d’entre elles, ce qui suggère qu’un nuage de débris d’une masse environ deux fois supérieure à celle de notre Lune pourrait s’y trouver.
Cette image colorée montre le ciel autour de l’étoile naine orange PDS 70 (au centre de l’image). L’étoile bleue brillante à droite est χ Centauri. Crédit : ESO/Digitized Sky Survey 2. Remerciements : Davide De Martin
Implications futures de la découverte
L’équipe propose que ce nuage de débris puisse indiquer un monde troyen existant dans ce système, ou une planète en cours de formation. « Qui pourrait imaginer deux mondes partageant la même durée d’année et les mêmes conditions d’habitabilité ? Notre travail est la première preuve que ce type de monde pourrait exister », déclare Balsalobre-Ruza. « On peut imaginer qu’une planète partage son orbite avec des milliers d’astéroïdes, comme c’est le cas pour Jupiter, mais il me paraît stupéfiant que des planètes puissent partager la même orbite.
« Nos recherches constituent une première étape dans la recherche de planètes co-orbitales à un stade très précoce de leur formation », déclare Nuria Huélamo, chercheuse principale au Centre d’astrobiologie et coauteure de l’étude. « Elle soulève de nouvelles questions sur la formation des chevaux de Troie, leur évolution et leur fréquence dans différents systèmes planétaires », ajoute Itziar De Gregorio-Monsalvo, chef du bureau des sciences de l’ESO au Chili, qui a également contribué à cette recherche.
Cette animation montre une planète et deux nuages de débris dans les zones dites lagrangiennes de l’orbite de la planète, le tout se déplaçant autour d’une étoile centrale. Les zones de Lagrange sont deux régions étendues de l’orbite d’une planète où l’attraction gravitationnelle combinée de l’étoile et de la planète peut piéger de la matière. Ces régions peuvent être occupées par des troyens, qui sont des corps rocheux situés sur la même orbite qu’une planète. En théorie, ces troyens pourraient se trouver dans ces deux régions, mais dans le système PDS 70, les astronomes n’ont jusqu’à présent détecté qu’un seul nuage dans l’orbite de l’exoplanète PDS 70b. Le nuage détecté pourrait indiquer la présence d’une planète troyenne sur la même orbite que PDS 70b, ou d’un monde en cours de formation. Crédit : ESO/L. Calçada
Confirmation et études futures
Pour confirmer pleinement ses découvertes, l’équipe devra attendre 2026. À cette date, ils utiliseront ALMA pour observer si PDS 70b et son frère potentiel, le nuage de débris, se déplacent de façon notable sur leur orbite commune autour de l’étoile. « Il s’agirait d’une percée dans le domaine des exoplanètes », explique M. Balsalobre-Ruza.
« L’avenir de ce sujet est très excitant et nous attendons avec impatience les capacités étendues de l’ALMA, prévues pour 2030, qui amélioreront considérablement la capacité du réseau à caractériser les chevaux de Troie dans de nombreuses autres étoiles », conclut De Gregorio-Monsalvo.
Cette carte montre la constellation australe du Centaure et marque la plupart des étoiles visibles à l’œil nu par une nuit claire et sombre. L’étoile naine PDS 70 est marquée d’un cercle rouge. Crédit : ESO, IAU et Sky & ; Telescope
Notes
- Lorsque des astéroïdes situés dans l’orbite de Jupiter ont été découverts pour la première fois, ils ont été nommés d’après les héros de la guerre de Troie, d’où le nom de Troyens pour désigner ces objets.
Cette recherche a été présentée dans un article à paraître dans Astronomy & ; Astrophysics.
Référence : « Tentative co-orbital submillimeter emission within the Lagrangian region L5 of the protoplanet PDS 70 b » par O. Balsalobre-Ruza, I. de Gregorio-Monsalvo, J. Lillo-Box, N. Huélamo, Á. Ribas, M. Benisty, J. Bae, S. Facchini et R. Teague, 19 juillet 2023, Astronomie & ; Astrophysique.
DOI: 10.1051/0004-6361/202346493
L’équipe est composée de O. Balsalobre-Ruza (Centro de Astrobiología [CAB]CSIC-INTA, Espagne), I. De Gregorio-Monsalvo (Observatoire européen austral [ESO], Chili), J. Lillo-Box (CAB), N. Huélamo (CAB), Á. Ribas (Institute of Astronomy, University of Cambridge, UK), M. Benisty (Laboratoire Lagrange, Université Côte d’Azur, CNRS, Observatoire de la Côte d’Azur, France et Univ. Grenoble Alpes, CNRS, IPAG, France), J. Bae (Département d’astronomie, Université de Floride, USA), S. Facchini (Dipartimento di Fisica, Università degli Studi di Milano, Italie), et R. Teague (Département des sciences de la Terre, de l’atmosphère et des planètes, Massachusetts Institute of Technology, USA).